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11/05/2020. Si vous pensez que les couturières n’ont plus le droit de vendre de masques, lisez absolument cet article jusqu’au bout.

Depuis le 26 avril, un vent de panique et de colère souffle chez les couturières professionnelles. Les masques « grand public » (hors dispositif médical) ont fait leur apparition sur le marché de la grande distribution avec de nouvelles « normes » pour garantir une filtration et une respirabilité optimales face à la pandémie qui sévit actuellement.

Les couturières sont donc « invitées » à faire homologuer leurs masques, mais de façon non obligatoire. Elles sont donc toujours autorisées à en vendre.

Que cache ce label ? Pourquoi les couturières ont-elles été écarté volontairement de ce marché ? Voici de nombreuses questions qui m’ont incité à « enquêter » sur ce second scandale des masques.

Avant tout, sachez que Oze-CoutureZéroDéchets poursuit la confection et la vente de masques ici :

Je précise bien que ces masques cousus de manière artisanale n’ont pas fait l’objet de tests et ne sont donc pas des « masques grand public ». Ils respectent uniquement le cahier des charges de l’ AFNOR (qui suffisait jusqu’à ce que le lobby de la grande distribution vienne s’accaparer le marché). A ce jour, je suis autorisée uniquement à apposer « Masque barrière AFNOR SPEC S76-001. »

Voici donc les coulisses de ma propre réflexion à ce sujet. Sortez vos mouchoirs (lavables, et oui même si les gestes barrières nous l’interdisent) et soyez prêt à découvrir une triste réalité qui n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan. Mais il suffit parfois d’une goutte pour faire déborder le vase et soulever le peuple !

Revenons d’abord aux faits

Le 26 avril 2020, une note d’information du ministère de l’Economie et des Finances publie les nouvelles catégories de masques à usage non sanitaire, vous savez ceux que les couturières cousent bénévolement ou que certaines vendent à des tarifs dérisoires depuis le début du confinement pour palier au manque de matériel de notre douce France.

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Dorénavant, deux catégories de masques seront disponibles à la vente :

  • Catégorie 1 : assurant une filtration de au moins 90 % des particules inférieures à 3 microns (en somme, la taille du vilain coronavirus)
  • Catégorie 2 : assurant une filtration de au moins 70 % des particules inférieures à 3 microns

Alors qu’en mars le gouvernement ne préconise pas l’usage du masque pour les particuliers (on apprendra par la suite que cette décision était du fait du manque de stock nécessaire au début du confinement), deux mois plus tard, il lance sa commercialisation générale via la grande distribution. Et pour cause, le masque va devenir obligatoire à partir du 11 mai dans la plupart des lieux publics. Le masque devient dorénavant un pur produit de consommation que les industriels vont s’arracher. Tout le monde veut sa part du gâteau, et il n’y en aura pas pour tout le monde….

Vous commencez à comprendre que ça sent le lobby à plein nez ?

Non, alors continuons. Que nous apprend d’autre cette note ?

Dans un deuxième temps, il est clairement stipulé que les fabricants de masques devront réaliser une batterie de tests sous leur responsabilité (par un tiers compétent) démontrant les performances de filtration. Selon les catégories, un pourcentage de filtration des particules de moins de trois microns est exigé. De plus, un logo devra être apposé sur le produit certifiant un nombre de lavages.

Jusque-là, il paraît normal de vouloir s’assurer de la protection de la population. Mais cette norme est-elle vraiment suffisante pour l’imposer aux fabricants ?  Rappelons que le coût exorbitant de ces tests, allant de 1000 à 10 000 euros selon le nombre de produits vendus et le nombre de lavages testés, sera un frein majeur pour les petites entreprises.

Impossibles donc pour les petites couturières professionnelles de « concurrencer » la grande distribution. Elles qui pensaient pouvoir enfin bénéficier du juste retour de leur travail (plus que mérité) et obtenir leur part du gâteau, c’est loupé !

La colère et l’indignation des couturières

Lundi 4 mai, je découvre « la Masqu’arade », la pétition lancée par le collectif « Bas les masques » que je signe immédiatement.

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 Jusqu’à maintenant, je n’avais pas pris connaissance de cette note et du tsunami que cela avait déclenché. Je découvre ces nouvelles « obligations ». Elles inondent les réseaux sociaux et les pages de nombreuses couturières qui pour la plupart rendent leurs tabliers, pensant être interdites de vendre des masques. L’injustice est forte, mais je ne vois nulle part écrit noir sur blanc une interdiction à la vente en cas de non-conduction de ces tests. La confusion et le doute s’emparent de mon esprit et je ne suis pas la seule.

Je me lance alors dans une recherche approfondie sur la toile pour essayer de tirer la situation au clair. Je tombe alors sur le post d’une couturière qui a fait part de ses doutes à ses clients et confrères via sa page Facebook, contactant au passage la Direction générale des entreprises (DGE) pour en savoir plus.

La réponse est fracassante.

« Notre responsabilité engagée en cas d’infection »

Dans un premier temps, la DGE se veut rassurante : « Vous avez la faculté de continuer de vendre des masques sans avoir procédé aux essais indiqués sur notre site », lui a-t-elle indiqué, « toutefois, vous ne pouvez alléguer que ces masques répondent à la catégorie de masque grand public, ni aux catégories 1 et 2 définies par la note du 29 mars 2020 mise à jour le 26 avril. »

Jusque-là, tout va bien. Encore que… Ces masques avaient pour vocation de rajouter une barrière supplémentaire contre le Covid-19 et tant qu’on les donnait, ils étaient considérés comme « efficaces » s’ils respectaient le cahier des charges de l’AFNOR. Maintenant qu’ils sont vendus par la grande distribution, une homologation devient obligatoire, évinçant les petites entreprises.

La suite de la réponse est très inquiétante : « Vous restez responsable de l’efficacité des masques que vous mettez sur le marché », a notamment poursuivi la DGE. « Votre responsabilité peut donc être mise en cause en cas de contamination notamment, quelle que soit la taille de votre entreprise, d’où une très forte recommandation pour que vous soumettiez vos prototypes aux essais, réalisés par les autorités compétentes. »

Là, rien ne va plus ! C’est la goutte qui fait déborder le vase et exploser l’indignation des couturières, et il y a de quoi !

Nous risquons nos « vies » alors que deux mois auparavant, nous avions l’impression d’en « sauver ». C’est révoltant.

La pression monte d’un cran dans mon atelier. Dois-je continuer et m’exposer à des peines d’amendes et d’emprisonnement pour avoir vendu une centaine de masques ?

Comment garder la tête froide face à de pareilles menaces ? Je peux dire que je remercie la méditation. Face à la tempête, je suis restée calme et centrée sur mes commandes, attendant que la situation se calme. J’ai attendu qu’un miracle se produise. Et il est arrivé, le lendemain.

La secrétaire d’Etat, Agnès Pannier-Runacher, s’exprime sur une chaîne d’information (LCI pour ne pas la citer) et évoque un « malentendu ». Elle explique que la note publiée fin avril visait à mettre en place une catégorie de masques « grand public » qui réponde aux spécifications formulées par les autorités de santé, en particulier aux recommandations de l’ANSM. Elle précise : « Il n’a jamais été question d’interdire les masques faits par des couturières, professionnelles ou non. ». Au sujet de la responsabilité engagée en cas de contamination, elle se prononce : « Il n’y a pas de raison d’incriminer un vendeur s’il a spécifié que les masques vendus n’ont pas fait l’objet de test et qu’ils ne vantent pas telle ou telle capacité de filtration ».

En clair, les particuliers ou les professionnels de la couture peuvent continuer à produire et vendre des masques. Il faut simplement préciser très clairement que ceux-ci n’ont pas été validés par des instances officielles, ni à faire figurer un logo réservé à des masques répondant aux normes, sous peine de se voir épinglé.

En attendant, aucun texte officiel n’est sorti depuis cette allocution. Nous nous en tenons donc aux paroles de ce gouvernement (paroles, paroles, paroles…).

Quelles garanties pour une telle obligation ?

Alors que certains médias prennent des raccourcis en parlant de « certification » des masques artisanaux, il n’a jamais été question de certification officielle et légale.

Si les consommateurs voyaient dans ces essais une protection optimale contre toute contagion, eh bien ils vont être déçus !

Je me suis donc penchée sur les normes existantes, notamment la norme CE, et j’ai donc pu constater que l’homologation par les entreprises réalisant ces tests, comme la DGA (direction générale de l’armement) ou la IFTH (institut français du textile et de l’habillement) n’avait aucune valeur officielle, seulement une assurance de qualité et d’efficacité.

Alors pourquoi attaquer les couturières professionnelles si les masques vendus par les grandes entreprises ne sont pas certifiés protéger la population ? Grand mystère… Selon mes croyances, je pense que c’est une façon de privilégier les industriels qui pourront se payer ce « luxe ».

Personnellement, j’ai été choquée d’apprendre que cette homologation n’avait aucun gage de sécurité alors que les couturières risquaient d’être accusées de vendre des masques « dangereux ». Cette fameuse garantie est simplement un label assurant la filtration entre 70 et 90 % des particules. Et non pas 100 % de garantie. Les masques « homologués » ne garantissent pas à 100 % de protéger une contamination. Vous avez bien entendu ? Donc en cas de contamination avec un masque « homologué », le consommateur pourra-t-il se retourner auprès du fabricant ? Certainement pas ! Je vous invite à visionner cette vidéo qui remet les points sur les « i ».

Malgré cette mise au point, le doute est entré dans de nombreux esprits et cela va forcément impacter le choix des consommateurs et les orienter vers des masques « homologués ». Une façon écœurante de le diriger vers la grande distribution. Mais si cela était un scoop, ça se saurait ! 

Alors est-ce que le jeu en vaut vraiment la chandelle ? Est-ce que ça vaut vraiment la peine pour une petite entreprise de payer si cher sans même pouvoir soulager sa conscience ?

Car ce qu’il faut retenir dans cette affaire, c’est qu’avec ces tests, le gouvernement ne cherche pas à mieux protéger sa population (sinon il aurait déjà préconisé le port du masque depuis le début), mais comme toujours à contenter une poignée de personnes qui dirigent ce pays en sacrifiant le consommateur. Honteux, comme toujours.

Et question tromperie, le gouvernement n’en est pas à son premier mensonge…

Des mensonges en cascades…

Difficile de démêler le vrai du faux et de continuer à croire ce gouvernement qui n’a fait que mentir sur l’usage des masques depuis le départ.

Premièrement, la réaction de la DGE a semé des doutes dans mon esprit quant à la réelle fiabilité de ces tests. En prime abord, je suis restée humble en me disant qu’effectivement je n’avais aucune preuve que mes masques allaient protéger la population. Mais le fait d‘avoir été menacée d’être tenue responsable de la mort de mes clients, puis que le tir a été rectifié, a éveillé de gros soupçons dans mon esprit déjà suspicieux. La DGE qui met la pression sur un petit regroupement de couturières m’a tout l’air d’un coup de « lobbying » mais dans le mauvais sens il me semble… A moins qu’ils soient là pour défendre uniquement l’intérêt que de grands groupes ( oups… ma plume s’est égarée) ?

Deuxièmement, en cherchant à savoir comment les autres pays avaient réagi face au manque de masques, comme la Belgique, j’ai appris que seule la France procédait à ce genre de tests sur les masques en tissu. Si eux aussi ont souffert d’un stock insuffisant de masques, nos voisins belges comptent toujours sur leurs couturières pour confectionner des masques.

Voici aussi ce que j’ai pu lire sur le site de l’AFNOR (Association française de normalisation) au sujet des masques « non homologués » par les autorités procédant à ces tests. Pour ceux qui ne connaissant pas l’AFNOR, cette association internationale est au service de l’intérêt général et du développement économique. Le groupe a mis à disposition gratuitement, dès le 27 mars 2020, un référentiel pour faciliter et accélérer la fabrication en série ou artisanale d’un nouveau modèle de masque, dit « masque barrière ».

Ils répondent aussi à de nombreuses questions très pertinentes dont celle-ci sur l’efficacité de n’importe quel type de masque en tissu :

« D’autres modèles de masques préexistaient au modèle de masque barrière. Tous les masques en tissus contribuent à améliorer la protection des personnes qui respectent les gestes barrières. Il convient néanmoins d’être vigilant aux modèles comportant une ou plusieurs coutures verticales, le long du nez, de la bouche et du menton. Cette solution n’a pas été retenue par les experts lors de la rédaction de l’Afnor Spec (risque de fuite par la couture). » Tous les masques, donc même ceux non homologués ? Décidément, il y a quoi s’arracher les cheveux.  

Dernièrement, j’ai visionné un reportage affriolant sur l’interdiction de vente de masques par les pharmacies. Rappelez-vous, depuis le début du confinement, les officines encouraient des peines d’emprisonnement et d’amendes en cas de vente de masques. Et pourtant, depuis fin mars, elles étaient autorisées à en importer et à en vendre sous certaines conditions. Là encore, le cadre imposé par le gouvernement était flou. Pendant ce temps-là, la grande distribution commandait des masques à la Chine en catimini, pour les vendre au moment opportun ! Les pharmacies, qui n’ont pas pu anticiper, seront donc privées de leur part de gâteau dans cette course à l’équipement. Lisez aussi cet article.

Un soutien inestimable

Malgré cette mascarade, j’ai décidé de continuer.

Même si début mars j’étais septique sur le bien-fondé de cette protection en tissu, aujourd’hui je n’en doute plus. Ce sont les demandes fusant de toute part qui m’ont poussée à sortir de mon insouciance face à ce besoin impérieux. Je me suis même culpabilisée au départ de vendre des masques après en avoir distribué à ma famille et à certains proches soignants. C’est pourquoi j’ai fixé un prix très raisonnable et minimal pour répondre à un service et le rendre accessible à tous. Suffisant pour m’y retrouver dans mes achats, mes charges à déclarer et mes futurs impôts à payer. Insuffisant au regard de la qualité du travail apporté et du nombre d’heures travaillées. Cependant, ce sont les encouragements de mes clients, leurs remerciements et l’impression de faire le bien autour de moi qui m’ont motivée à poursuivre.

 Le soutien que je reçois des clients est inestimable. Voici un des commentaires qui m’a redonné confiance et foi dans le peuple. 

« Je préfère acheter directement à des entrepreneuses comme vous qu’à des grands groupes 😄

Bon courage et bravo pour le travail que vous faites. »

Alors pourquoi donc arrêter maintenant ?

Céder à la pression des lobbys, céder à la colère et à la rancœur de ne pas avoir été reconnu pour les services rendus ? Surement pas. Le seul fait d’avoir été utile aux autres me suffit amplement. Pas besoin de médailles, ni d’autres formes de remerciements. Malgré l’absence de considération de l’Etat vis-à-vis des petites entreprises, je reste fière de mon travail accompli. Si c’était à refaire, je recommencerais.

Que faut-il retenir de tout ça ?

À ce jour, je n’ai toujours aucune preuve de ce que j’avance. Chacun se fera sa propre opinion. Cependant, j’ai l’intime conviction que les tests ne sont que des prétextes pour favoriser les grandes entreprises qui pourront se les payer. De plus, j’ai le sentiment que ces masques sont aussi efficaces que ceux qui vont apparaître très prochainement sur le marché. Ceux que je confectionne sont faits avec amour et dévotion, d’autres travaillent pour le profit. Voilà toute la différence.

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Puisque les masques sont en train de devenir de purs produits de consommation, je laisse les « consomm’acteurs » faire leur choix.

Je continue à proposer des alternatives réutilisables, comme tel était mon souhait en créant cette micro-entreprise de couture zéro déchets. Je laisse les « consomm’acteurs » décider de soutenir une production à petite échelle, locale et solidaire ou d’opter d’engrosser les industriels.

La balle est dans votre camp !

Merci de votre attention et surtout n’oubliez pas, chaque (voix) geste zéro-déchet compte ! Ne sous-estimez pas votre impact (politique) écologique !

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